A propos de la liberté de "boire de l’alcool et se mettre en tenue légère" en Tunisie sous Ennahdha. C Delarue
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A propos de la liberté de "boire de l’alcool et se mettre en tenue légère" en Tunisie sous Ennahda.
Le parti islamiste tunisien a cru bon de rendre public cette précision qu’en Tunisie les touristes comme les tunisiens et tunisiennes pourront continuer à consommer de l’alcool et à se mettre en bikini sur les plages. Pas en monokini ?
Cette concession faite sur le bout des doigts sur la rigueur des mœurs est nécessaire au tourisme, principale manne financière du pays. L’association entre rigueur des mœurs et islamisme est telle qu’une telle précision était nécessaire. On se demande même si elle vaut pour tout le pays ou seulement pour les zones touristiques. D’ailleurs, il peut paraitre à priori surprenant de mettre sur le même plan ces deux libertés car l’une peut déboucher sur un excès et pas l’autre. Mais c’est un point très secondaire.
On a beau critiquer - et à raison - les effets du capitalisme dans la publicité, dans les médias en terme de propagation des stéréotypes sexistes, et des excès en tout genre dont la consommation d’alcool, de cigarettes, etc.. il n’en demeure pas moins, que massivement, un refus apparait dès qu’une règle est posée ou semble pouvoir être prise pour les interdire. L’idée de revenir à une période austère est refusée. Avant 1968, dans les pays comme le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Grèce, la France le nudisme était interdit et la séduction stigmatisée. Ces pays du sud de l’Europe ont tous connu des dictatures conservatrices (Salazar, Franco, Mussolini, Colonels, Pétain). Mais sur cet aspect, c’est bien la religion - catholique le plus souvent - qui pesait lourdement sur les libertés et sur les mœurs. La religion diffusait une culpabilisation forte du charnel et du libidinal qui amputait l’individu, peu informé par ailleurs sur la sexualité de l’autre sexe, de plaisirs pas nécessairement malsains.
De ce point de vue, 1968 a donc créée une rupture par rapport à l’ordre ancien même si la libération a été progressive. Sur la Côte d’Azur et dans certaines zones avant-gardistes, la rupture est antérieure à 1968 mais dans les contrées plus reculées il a fallu plusieurs années pour débrider les comportements.
On a reproché à la période post 68 d’avoir "tordu le bâton dans l’autre sens" en autorisant la "licence" (drogue), le polyamour, le sexisme. Si cela est exact, il convient d’en mesurer la durée car cette période fut relativement courte. Par contre le capitalisme a lui bien rebondi sur mai 68 en récupérant à son profit la libération des mœurs. Il a marchandisé l’érotisme qui en 68 était "champêtre". Les choses ont changé. Nous avec. Et on voit mal aujourd’hui comment ne pas accepter pour partie au moins cette marchandisation. Si les altermondialistes luttent contre la marchandisation du monde, notamment celle de la prostitution, il n’entendent pas pour autant revenir à la période austère de jadis.
Entre libération des mœurs austères et rigides et aliénation totale dans le consumérisme marchand une voie est possible. C’est à chacun et chacune selon son parcours de la tracer. Il n’y a pas de modèle. D’autant qu’un même individu peut évoluer dans son propre parcours. Il est donc exclus qu’il y ait de la répression "virile" contre les femmes, les homosexuels, les "hommes doux" stigmatisés par les machistes. Il faut combattre la répression tant contre les femmes "trop libres" que contre celles "trop prudes". A l’évidence des préjugés doivent encore tomber.
Christian DELARUE
Ennahdha : « ni contre l’alcool, ni le bikini »
http://info-tunisie.net/a-la-une/actualite/nationale/24415-ennahdha-ni-contre-lalcool-nile-bikini