POST-BREXIT : Confrontation Europe sociale - Europe économique. C Delarue

vendredi 21 avril 2017
par  Amitié entre les peuples
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POST-BREXIT : Confrontation « Europe sociale » - « Europe économique ».

On reparle d’Europe sociale, depuis l’éclair soudain de lucidité post-Brexit de Monsieur Juncker militant sur la nécessité des droits sociaux en Europe, et ce contre les volontés de sortie de L’Union européenne et de la zone Euro (1) . A cette fin un mouvement de consultation a été lancé dans l’Union européenne. Les syndicats de travailleurs salariés se sont exprimé (exemple UGFF-CGT n 251 de février 2017). Que l’on parle de « socle » ou de « pilier » le constat est bien priorité à l’Europe économique et aux libertés des entrepreneurs et des entreprises et position très secondaire et réduite du social », des droits sociaux. Le social est subordonné à « une économie sociale de marché hautement compétitive » !

« Dans les économies avancées, dont la prospérité repose sur la croissance de la productivité et sur la capacité d’innovation, les performances économiques et sociales sont les deux faces d’une même médaille. » (2)

1 - La façon même de poser le problème fétichise la « performance économique » donc - par définition - place la dite « performance économique » bien en surplomb au-dessus du reste, soit les autres principes officiels de l’Union (six) et l’immense majorité des humains rabaissés (travailleurs salariés, précaires, chômeurs pour l’essentiel) . Qui dit fétichisme dit en même temps élévation d’un groupe ou d’un processus abstrait et rabaissement des autres groupes ou processus. Il n’y a pas l’un sans l’autre par définition.

2 - Cette « performance économique » ne tombe pas du ciel, elle est construite et mise en oeuvre par une minorité, par une petite classe sociale dominante qui impose sa « guerre sociale et économique". Ce qui est interdit par le système capitaliste c’est une régulation politique et sociale qui élève nettement les droits sociaux protecteurs des humains rabaissés au-dessus de « l’économique », au-dessus des libertés d’une minorités de grands patrons agissant comme des prédateurs !

3 - Le langage n’est pas neutre : Evoquer ainsi la « performance économique » c’est introduire un langage sportif de compétition - Plus haut, plus vite, plus fort - qui par définition hiérarchise et classe les individus avec des premiers et des derniers. Un modèle sociale qui implique aussi un haut régime de mobilisation de la force de travail : exploiter plus au lieu d’instituer une nouvelle RTT .

4 - C’est là, pour le dire en termes de philosophie politique, un modèle de société « à la Spencer » ou « à la Hobbes » ou « l’homme est surtout et avant tout un loup pour l’homme » . Et l’Etat, pour certains philosophes, est là pour assurer la paix civile mais quid de la paix sociale ? La paix civile n’existe déjà pas pour celles et ceux qui subissent les contrôles policiers au faciès et la paix sociale est remplacée par la guerre sociale depuis longtemps. Son autre nom se nomme austérité et inégalités sociales avec des riches très riches au sein des 1% d’en-haut.

5 - Guerre sociale, on sait même qui l’a gagné depuis qu’un riche grand patron l’a dit de façon très nette (3) en 2005. Une façon de reconnaître la lutte de classe et secondairement la pertinence de Marx comme théoricien de la « question sociale » sous le mode de production capitaliste.

6 - Qu’est-ce que la « performance sociale ? Cette terminologie mixte des positions contradictoires qui donne prééminence à une vision comptable du monde, celle de Maastricht 92 et Amsterdam 97 . Elle semble vouloir dire performance d’ensemble du dispositif à la fois économique et social et non pas se rapporter au social opposé à l’économique . Reproduisons l’équilibre recherché : « Un taux d’emploi élevé, un chômage faible et des systèmes de protection sociale bien conçus sont essentiels pour des finances publiques saines. En revanche, des différences trop marquées au niveau des performances dans le domaine social et sur le marché du travail constituent une menace pour le fonctionnement de la zone euro. Dans le cadre des mesures prises pour améliorer la surveillance budgétaire au niveau de l’UE, la réflexion sur la qualité des finances publiques, dont les systèmes de protection sociale constituent une part importante, a attiré l’attention sur les questions liées à l’équité et à l’efficacité des dépenses et recettes publiques. »

7 ) Le social de haut niveau devrait être un véritable socle pour toutes les sociétés de l’Union européenne car le social c’est la base d’appui qui permet la vie des individus mal placés dans les différents rapports sociaux. Le social c’est l’étape qui permet le passage au socialisme, soit une autre société avec un saut qualitatif sur plusieurs plans (démocratique, social, écologique, laïque, antisexiste, antiraciste) et donc une société civilisée et pacifiée. Le social présuppose aussi un Etat fiscal et une harmonisation des fiscalités en Europe. Cette harmonisation doit être redistributive vers le bas pour aller vers plus de justice fiscale. Le social, ce n’est donc pas le cache-sexe du libéralisme économique débridé, qui laisse place à la dictature de la finance.

8 - Le social n’a pas à être subsumé (rabattu) sous le « national« . Il ne s’agit pas d’être bêtement anti-national mais d’éviter la confusion ou l’amalgame trop souvent fait par les forces politiques nationalistes. Le FN de Marine Le Pen (mais Fillon pas plus et Macron fort peu) ne fait aucune promotion des services publics sauf celui de la police et encore de façon contestable. Par contre un « national » qui met en avant expressément un haut niveau de service public pour la satisfaction effective des droits sociaux est à défendre. On retrouve ici l’orientation de la France insoumise de Mélenchon.

9 - La contestation de l’Union européenne comme vecteur de soutien de la finance à l’encontre de la construction d’une Europe réellement sociale s’accompagne aussi d’une critique du défaut de démocratie, du véritable « trou noir » démocratique. Ceux qui commandent sont cachés. On sait ponctuellement qu’ils exigent telle ou telle mesure anti-sociale et anti-démocratique. L’une va avec l’autre : cela va de pair. Pas que pour les Grecs. La loi El Khoury fut pour partie une orientation de la gouvernance de l’Union.

10 - Nous venons de lire « Pour un traité de démocratisation de l’Europe » de S Hennette, Th Piketty, G Sacristie et A Vauchez (Seuil mars 2007). Ce projet « T-Dem » a le mérite d’exister sur le papier en 94 pages assez techniques mais lisibles. Il est conçu pour qu’un gouvernement français le propose aux autres gouvernements de l’Union européenne, qui peuvent le refuser. Pour que la gouvernance européenne recule face à un processus de démocratisation il importe qu’il y ait un très fort mouvement des peuples-classe d’Europe.

11 - Construire un fort mouvement des peuples-classe d’Europe est nécessaire pour changer la donne tant en France qu’en Europe. Pas d’émancipation sociale sans lui. En ce sens le nationalisme est autant un obstacle que la capitulation devant la gouvernance européenne de l’UE. Contre les oligarchies néolibérales, vive l’internationalisme des peuples-classe ! Vive l’altermondialisme !

Christian DELARUE

1) Sept 2016 : Juncker insiste sur « l’Europe sociale » dans son discours sur l’état de l’Union
http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/jean-claude-juncker-insiste-sur-l-europe-sociale-dans-son-discours-sur-l-etat-de-l-union-599000.html

2) Lancement d’une consultation sur un socle européen des droits sociaux
EUR-Lex - 52016DC0127 - EN - EUR-Lex
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM:2016:127:FIN#document2

3) Warren Buffett, pendant un temps l’homme le plus riche du monde a dit sur CNN en 2005 : «  Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner.  »

nb : Pour une lecture plus juridique du thème lire aussi le pdf de : Etienne PATAUT, Sophie ROBIN-OLIVIER, « Europe sociale ou Europe économique », Revue du droit du travail, février 2008 .