Essai sur la mentalité laïque. C Delarue

mardi 19 août 2008
par  Amitié entre les peuples
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Essai sur la mentalité laïque

Extrait posté le 08/09/2005 sur

http://www.la-gauche-cactus.fr

Je vais présenter quelques thèses sur cette mentalité laique.Il ne s’agit donc pas ici d’évoquer les institutions, ni même le droit positif, mais la "mentalité" laïque

DEUX EVIDENCES BONNES A RAPPELER

- Une personne à la "mentalité laique" n’est pas prosélyte . Elle n’est pas dans l’affirmation intempestive de sa croyance . Elle n’en fait pas un étendard. En plus d’être un système politique et juridique, réalisé ou souhaité, la laïcité est une sorte de philosophie du bien vivre ensemble pacifiquement.

- Les individus de "mentalité laïque" ont comme les autres des croyances religieuses ou non ; ces personnes de mentalité laïque peuvent avoir une croyance en un Dieu ou plusieurs Dieu ou il est athée ou agnostique .

L’ENJEU de cet argumentaire particulier est qu’il tend à déplacer le débat :
- ce dernier ne porte pas sur les croyances de chacun (la foi - ou non - en un ou plusieurs Dieu )

- il porte sur l’ affirmation ostensible ou ostentatoire d’une croyance dans le champ public (ce pourrait être une croyance athée d’ailleurs mais c’est là une hypothèse d’école car en réalité, il s’agit toujours d’une croyance religieuse).
- l’enjeu porte ensuite sur savoir "qui est intransigeant ?", "qui est intolérant ?" : est-ce le prosélyte qui ne peut "tolèrer" un monde sans "présence" religieuse, sans "ordre moral" ? ou les personnes laiques qui alors sont sommées d’être "tolérante" à l’égard de l’affirmation intempestive, continue et généralisée du religieux ?

I - DE QUELQUES THESES...

A) SPECIFICITE D’ UNE PERSONNE DE MENTALITE LAIQUE :

1 - une personne de mentalité laïque garde pour elle sa croyance, il n’en a pas honte, il peut en parler le cas échéant mais en fait il ne la manifeste pas ordinairement à l’extérieur (ou quasiment pas : petits signes discrets) il ne l’impose donc pas à autrui ou à la société .

2 - cela est valable quelque soit sa croyance : déïste ou athée ou agnostique

3 - d’ailleurs des personnes de mentalité laïque ont changé de croyance et sont toujours restés laïques

B) PROLONGEMENTS POSSIBLES DE CETTE MENTALITE

1 - La laïcité n’est pas un long fleuve tranquille, elle est un combat.

2 - Ce combat s’exerce à l’encontre des personnes non-laïques, des prosélytes déistes ou athées. Ce combat débouche sur la constitution de dispositifs institutionnels politique et juridiques porteurs de droits et d’obligations.

3 - Ce combat peut s’exercer contre des personnes avec qui les laïques peuvent partager des revendications autres (dimension de la complexité à introduire ici).

4 - Les valeurs portées sont les 4 suivantes : liberté, égalité, fraternité et mixité... mais pas "diversité religieuse"

La "diversité religieuse" est incompatible avec la fraternité et l’égalité car cette pseudo diversité n’est que l’euphémisme d’un rapport de force enclenché par les prosélytes (religieux), le masque d’un processus d’envahissement des "affirmatifs" au sein de la sphère publique.

5 - Ces prosélytes sont d’obédience religieuse (les athées et agnostiques le sont rarement : même les plus engagés des athées ne portent pas de façon continue un signe ostentatoire de leur athéisme)

6 - Les mesures institutionnelles prise pour garantir un espace laique doivent s’adresser à toutes les croyances : pas de signes ostensibles ou ostentatoires pour toutes les religions.

7 - Des mesures compensatoires doivent être prises si dans la réalité il apparaît qu’une religion est plus frappée que les autres.

Ici (point 6 et 7) je pense au fait que l’Etat français s’est arrêté en cours de route avec la loi "anti-foulard) et qu’il aurait du prendre des mesures pour la scolarisation dans le privé des jeunes filles voulant rester voilées.

C) ISLAM ENGAGE & ISLAM LAÏC

1 - Les signes religieux (notamment le voile ou la burka... ) ne font pas partie des 5 préceptes de l’islam, ce qui devrait favoriser les mentalités laïques et le comportement assorti. D’ailleurs beaucoup de musulmans sont laïques, entendu non seulement au sens de la séparation du religieux institutionnel par rapport à l’Etat mais aussi dans leur mentalité et comportement . On ne le dis jamais assez.

Observation complémentaire : S’il y avait eu un sixième précepte sur l’habillement ou sur le port de signes religieux on aurait pu critiquer et accuser directement l’islam comme religion intrinsèquement "impérialiste"(1), envahissante sur le plan religieux .

2 - Toutes les religions ont donc une tendance laicisée, une tendance prosélyte "d’ordre moral" et aussi une composante d’intégrisme radical très réactionnaire . La tendance "ordre moral" ou "fondamentaliste", celle simplement d’affirmation publique du religieux pousse à l’envahissement du religieux dans les diverses sociétés . Elle ne contraint pas directement et autoritairement comme les intégristes politiques radicaux à un port obligatoire quelconque de signe ou de vêtement mais plus insidieusement cette tendance de mentalité anti-laïque milite pour une affirmation intempestive et continue de la nécessité de croire en Dieu, de croire en leur Dieu .

3 - L’islam engagé pousse à cela pas uniquement à l’égard des imams mais pour tous ses croyants . Il y a là une différence fondamentale avec les chrétiens ou la prescription vestimentaire prosélyte ne porte aujourd’hui à l’égard des seuls ecclésiastiques, les prêtres et les nones mais pas les croyants de base . Mais les intégristes chrétiens sont toujours tentés de revenir à un affichage pour tous, donc à une christianisation de la société.

4 - cette spécificité de l’islam génère via l’islam engagé une islamisation des sociétés ;

5 - laquelle génère une islamophobie aux formes variables, certaines condamnables, d’autres pas.

6 - L’islamophobie est condamnable à juste titre dans certains cas : cf. écrits d’Oriana FALACCI ou les bombages haineux sur les immeubles religieux (mosquée).

7 - il existe aussi une "religiophobie" progressiste et légitime, (à ne pas amalgamer à l’islamophobie réactionnaire à l’encontre de tous les musulmans y compris les laïcs.)

II ) ... ET D’UNE HYPOTHESE

1 - Si la thèse de la "revanche de Dieu" (Kepel) se confirme nous sommes, sous couvert de diversité religieuse, dans une dynamique de "religiocisation" des sociétés. La laïcité recule, du moins elle marque le pas si l’on considère que la mentalité laïque est une évolution importante depuis plusieurs décennies et dans plusieurs pays.

2 - Ce "retour du religieux" intempestif génère de la religiophobie.

3 - La religiophobie n’est pas nécessairement agressive quant à son usage ; elle peut déboucher sur la nécessité de convaincre les "manifestants" de toutes les religions de cesser leur affirmation ostensible ou ostentatoire, leur prosélytisme..

4 - Il existe bien une religiophobie modérée, légitime.

Note 1 A propos d’ "impérialisme du religieux", il convient de se souvenir que la notion "des intégrismes des grandes religions" masque une inscription différente de chaque intégrisme dans le monde contemporain hiérarchisé et qu’elle est donc "idéologique" quand cette dimension n’est pas précisée. Il en va de la notion (au pluriel) "des intégrismes" comme de celle de totalitarisme : les points communs peuvent être pertinents mais ne disent pas tout, notamment de la réalité social différente qui les produisent.

En guise de conclusion.
Le fondement juridique possible en France de cette mentalité laique.

Il s’agit de l’article 28 de la loi de 1905 (peu évoqué et peu connu) qui stipule : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. »